La presse conservatrice s’en prend à la famille de Javier Bardem

Javier, Pilar et Carlos Bardem

Javier, Pilar et Carlos Bardem

Javier Bardem et les siens ont fermé leur restaurant à Madrid pour cause de faillite. Militants de gauche de mère en fils, on les accuse pourtant d’avoir voulu tirer profit de la nouvelle loi sur le licenciement collectif. La presse conservatrice jubile.

La faillite d’une petite entreprise familiale, voilà une nouvelle devenue presque anodine dans l’Espagne d’aujourd’hui. Pourtant, la fermeture définitive, il y a une dizaine de jours, de La Bardemcilla, restaurant branché de Chueca dans le centre de Madrid, ne sera pas passée inaperçue. Et pour cause ! Comme son nom le laisse deviner, La Bardemcilla était tenue par la célèbre famille d’acteurs, les Bardem. La mère, Pilar, 74 ans, et ses trois enfants, Carlos, 50 ans, Mónica, 48 ans, et le plus connu d’entre eux Javier, 44 ans, avaient ouvert La Bardemcilla en 1998. Très fréquentée les premières années, on racontait à l’époque que Javier lui-même donnait à l’occasion un coup de main en salle. Mais depuis deux ans, les clients se faisaient de plus en plus rares et l’établissement accusait de lourdes pertes. Mónica, la gérante, a donc décidé de déposer le bilan. Et les onze travailleurs qu’employait le restaurant se retrouvent au chômage. En Espagne, même les Bardem sont victimes de la crise, aurait-on pu conclure.

Pilar et Mónica Bardem

Pilar et Mónica Bardem

Mais l’émoi provoqué par l’annonce de la fermeture du mythique restaurant a rapidement laissé la place à une pluie de reproches qui s’est abattue sur la famille. La presse conservatrice a récolté les témoignages d’anciens employés de La Bardemcilla. Ceux-ci accusent les Bardem d’avoir tenté de profiter de la nouvelle loi sur le travail votée en février 2012. Conseillée par un avocat du travail, Mónica aurait en effet décidé de présenter une ERE, c’est-à-dire un dossier de licenciement collectif.

Licenciement plus facile et à moindre coût

Depuis la réforme du travail de février 2012, l’autorisation administrative préalable aux ERE n’est plus obligatoire si l’entreprise accuse trois trimestres consécutifs de baisse du chiffre d’affaires. Et ce, même si l’entreprise continue à faire des bénéfices. Cette exemption évite aux patrons de devoir négocier les conditions de départs avec les syndicats. Désormais, l’employeur impose le montant des indemnités de manière unilatérale.

La réforme offre également la possibilité de baisser le salaire du personnel, de réduire les horaires ou de muter certains employés vers d’autres sites après deux trimestres de baisse du chiffre d’affaires.

L’objectif initial de la loi était de donner aux entreprises en déficit des solutions alternatives au licenciement et ainsi préserver l’emploi. Dans la pratique, les patrons en ont profité pour licencier plus facilement et à moindre coût. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, 33.075 ERE ont été pratiquées, soit une augmentation de 31,5% par rapport à 2011. En tout, 451.893 travailleurs ont été touchés par les nouvelles mesures.

D’après un témoignage anonyme relayé par La Razon, Mónica aurait annoncé aux employés qu’elle ne pourrait pas leur payer leur salaire du mois de mars et que leurs indemnités s’élèveraient à 20 jours de salaire par année d’ancienneté, soit le minimum légal.

Pilar et Javier Bardem lors d'une manifestation en soutien au peuple sahraoui, à Madrid en novembre 2010

Pilar et Javier Bardem lors d’une manifestation en soutien au peuple sahraoui, à Madrid en novembre 2010

Javier Bardem opposé aux ERE

Si la presse de droite s’émeut tellement du sort des employés de La Bardemcilla, c’est pour mieux attaquer les Bardem. Et plus particulièrement Pilar et Javier. En effet, ces deux-là se sont fait depuis longtemps les porte-parole des plus défavorisés. Pilar Bardem, veuve du célèbre réalisateur Juan Antonio Bardem par ailleurs membre du Parti Communiste Espagnol, est connue en Espagne pour son combat pour les droits des femmes. Elle milite également pour une Église catholique plus libérale. Javier Bardem est quant à lui un fervent défenseur des droits du peuple sahraoui, il a soutenu le mariage gay, et est un farouche opposant au gouvernement de Mariano Rajoy et à sa politique d’austérité. Lors de la première de Skyfall à Madrid, Javier Bardem avait justement posé avec un tract dénonçant les ERE.

Javier Bardem se joint au manifestant anti-ERE lors de la première de Skyfall à Madrid

Javier Bardem se joint au manifestant anti-ERE lors de la première de Skyfall à Madrid

Alors, l’appât du gain aurait-il eu raison de l’engagement politique des Bardem ? C’est en tout cas ce que clament haut et fort des journaux conservateurs comme La Razon et ABC. Une tactique éprouvée que ces quotidiens ressortent à chaque fois qu’une personne aisée se fait la voix de l’indignation. Après la cérémonie des Goyas (les Oscars du cinéma espagnol) au cours de laquelle plusieurs acteurs avaient exprimé leur hostilité envers les coupes budgétaires et les expulsions immobilières, les médias de droite avaient crié à l’hypocrisie. Maribel Verdú, prix de la meilleure actrice, en avait été la principale victime.

Mónica assume

Quant à Javier Bardem, il a l’habitude d’être la cible de la presse conservatrice. Celle-ci a, par exemple, récemment signalé que sa femme, Penélope Cruz, a accouché dans un hôpital juif de Los Angeles alors que lui se prétend pro-palestiniens. Ou encore qu’il a fait rapatrier sa mère malade en jet privé depuis le Mexique. Autant de reproches qui ne semblent pas déstabiliser l’acteur qui vit désormais aux États-Unis.

Néanmoins, la famille Bardem s’est fendue dans la semaine d’un communiqué de presse dans lequel elle précise que Mónica a agi sans consulter le reste des investisseurs et que la ERE va être retirée. « Nous ne voulons sous aucun prétexte soumettre nos travailleurs à une procédure de ce type et nous abriter derrière une réforme du travail contre laquelle nous nous sommes exprimés publiquement. »

Les Bardem ajoutent qu’ils comptent bien indemniser leurs employés et que le montant de ces indemnisations dépassera ce que prévoit la loi « en raison de la longue relation de travail entre La Bardemcilla et ses employés. » Et afin que les employés puissent être payés le plus tôt possible, chaque investisseur a décidé de mettre la main à la poche, précise encore le document.

La Bardemcilla

La Bardemcilla de Chueca, Madrid

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Une réflexion sur “La presse conservatrice s’en prend à la famille de Javier Bardem

  1. Excellent article. Hélas s’il n’y avait que Madrid… l’Espagne s’écroule sous la crise. J’espère qu’ils auront la force de repartir avec une situation économique un peu plus débloquée.
    Sophie

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