La vérité politique est dans la time line. C’est le message que martèle, depuis cinq jours, l’opposition conservatrice à la mairie de Madrid. Et force est de constater que les nouveaux élus de la liste progressiste Ahora Madrid ne mettaient pas de gants au moment de tweeter, à une époque où ils étaient encore des activistes en révolte.
Dès samedi, jour de la prestation de serment du nouveau conseil municipal, des tweets compromettants, dont certains antérieurs à la création du mouvement des indignés, ont refait surface. Depuis, les révélations se succèdent. Il semble que le Parti Populaire ait décidé de décortiquer systématiquement le passé 2.0 de chaque conseiller municipal afin de discréditer leurs adversaires. En cinq jours, ils ont déjà réussi a créer quatre polémiques. Chronologie.
Samedi : « l’humour noir » de Guillermo Zapata
Objet du crime : Plusieurs tweets « d’humour noir » s’en prenant aux victimes de l’holocauste, à une jeune fille disparue et à une journaliste victime d’un attentat, datant de janvier 2011 et écrits de la main du tout nouveau conseiller en charge de la Culture, Guillermo Zapata, 36 ans, scénariste.
Réaction : Zapata n’a eu de cesse de s’excuser et de replacer les tweets dans leur contexte. Le père de la jeune fille et la journaliste amputée ont, pour leur part, minimisé l’importance de ces blagues. Mais l’opposition conservatrice exigeait la démission de Zapata, tandis que les alliés socialistes d’Ahora Madrid se retrouvaient dans une position trop inconfortable pour ne pas appuyer la demande du PP.
Sanction : Les médias attendaient un geste fort de la part du parti qui se voulait plus blanc que blanc, il ne le fut qu’à moitié puisque l’édile a annoncé qu’il renonçait à sa charge de responsable de la culture, mais restait conseiller municipal.
Dimanche : les menaces de mort de Pablo Soto
Objet du crime : Pablo Soto, 36 ans, programmateur informatique, disait, dans plusieurs tweets, vouloir tuer et torturer l’ancien ministre de la justice Alberto Ruiz Gallardón.
« Et pour mon prochain tour, j’aurais besoin d’une guillotine, d’une place publique et de Gallardón. » – 29 mai 2013
« Je ne peux pas vous assurer que torturer et tuer Gallardón puisse changer toute cette histoire, mais on perd rien à essayer. » – 30 décembre 2013
Réaction : L’ancien ministre Gallardón a déclaré « C’est pardonné et ça ne devrait pas faire l’objet d’un débat. » Quant à Soto, il s’est excusé et a conclu : « nous apprenons. »
Sanction : Aucune
Mardi : Alba López Mendiola, la feminazi
Objet du crime : Tout d’abord, Alba López, étudiante en sociologie de 23 ans, choque par sa description de profil sur Twitter :
« Pâtissière, camionneuse, déviante, bûcheronne, Feminazi. Doctorante en l’art de se plaindre. Tentative de marxiste-léniniste […] »
Féministe, lesbienne et communiste ! Ça fait beaucoup pour les sympathisants du PP. Mais, c’est avant tout des menaces de mort qui sont reprochées à la conseillère qui était justement pressentie pour reprendre le département de la culture abandonné par Zapata.
Après le décès du président de la banque Santander, Emilio Botín, elle postait le message suivant :
« Emilio Botín n’aurait pas dû mourir dans son lit, mais dans la rue ou pendu, comme les personnes qui se sont suicidé car la banque allait les expulser. Encore un qui s’en va sans payer pour ses crimes. » – 10 septembre 2014
Réaction : Pas de réaction officielle ni d’Alba López, ni de Manuela Carmena.
Sanction : Le doute plane sur sa nomination à la tête du département de la culture.
Mercredi : Rita Maestre, comme une Pussy Riot
Objet du délit : On quitte les réseaux sociaux. Rita Maestre, 27 ans, porte-parole du gouvernement municipal, est poursuivie par la justice pour avoir manifesté, en compagnie d’autres étudiantes, dans la chapelle de l’université Complutense en 2011. Elles avaient fait irruption dans la chapelle, brandissant une photo du pape marquée d’une croix gammée, les seins dénudées et criant, notamment, « Moins de rosaires, plus de boules de Geisha » ou « Sortez votre rosaire de nos ovaires ». Rita Maestre risque une peine d’un an de prison pour atteinte aux convictions religieuses.
Réaction : Rita Maestre a réagi sur Twitter. « J’ai participé il y a 4 ans à une manifestation pacifiste en faveur de la laïcité. Ils doivent s’y habituer : arrivent dans les institutions des gens au passé engagé. »
Une fois de plus, tous les yeux se sont tournés vers les socialistes. Leur porte-parole, Antonio Miguel Carmona, a déclaré que les personnes poursuivies par la justice ne devraient pas assumer de charge politique.
Sanction : Aucune pour l’instant.
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Excellent article très synthétique. J’ajouterais seulement dans le cas de Zapata, les arguments qu’il a mis sur la table pour expliquer le contexte, en plus de ne pas arrêter de s’excuser. Toujours d’après lui, les tweets s’insèrent dans un débat sur les limites de l’humour qu’il avait eu dans le réseau social et il insistait au fait que les tweets était entre guillemets, donc il ne partageait pas le contenu des mauvaises blagues postés.
Merci Pablo ! Concernant la recontextualisation des tweets, j’ai retranscrit une partie des explications de Zapata dans un article précédent : https://espagneencrise.net/2015/06/14/tweet-antisemite-ca-commence-mal-pour-le-nouveau-gouvernement-a-madrid/