Des tonnes de détritus qui s’accumulent autour des conteneurs, des rigoles bouchées par des amas de papiers gras, des emballages entassés sur les poubelles publiques comme dans une partie de Badaboum nauséabonde, des sacs en plastique tournoyant dans les airs au gré des coups de vent. Pendant une douzaine de jours, la grève des agents de propreté aura transformé Madrid en ville-décharge. Mais, au bout du compte, la détermination des éboueurs a payé.
L’arrêt de travail avait été entamé le 5 novembre pour protester contre un plan social mis en place par trois des quatre entreprises de nettoyage privées actives dans la capitale. Sur 6500 travailleurs 1134 allaient être licenciés et les salaires se verraient amputés de 40%. Un coup dur pour les agents de propreté alors que ceux-ci ne gagnent qu’entre 500 € et 1300 € par mois et que 350 postes avaient déjà été supprimés en août denier. L’ensemble des syndicats a dès lors proclamé la grève totale à durée indéterminée. Le ramassage des poubelles publiques ainsi que le nettoyage des rues ne seraient plus assurés tant qu’un accord n’était pas trouvé. Les citoyens pouvaient cependant continuer à déposer leur sac-poubelle tous les soirs devant leur porte, la collecte des ordures ménagères étant à la charge d’une autre société.
“Une porcherie”
Pendant les jours qui ont suivi, la ville est vue petit à petit envahie par les immondices. Mais même si Télémadrid, la chaîne locale sous forte influence conservatrice, n’a eu de cesse d’insister sur la mauvaise image de la ville qualifiée de “porcherie” en multipliant les interviews de touristes et de commerçants mécontents, la grève a obtenu un large soutien de la part des Madrilènes. Sur les réseaux sociaux, les messages d’encouragement affluaient et on y a même vu des tracts invitant les citoyens à jeter leurs déchets devant les banques – éternelles coupables de la crise aux yeux des Espagnols – en solidarité avec les éboueurs.
À l’aube du treizième jour de grève, le dimanche 17 novembre, après une ultime réunion qui aura duré plus de 15 heures, un accord a finalement été trouvé. Aucun emploi ne sera supprimé. Une victoire pour les syndicats. En échange, chaque travailleur devra néanmoins prendre 6 semaines de congés sans solde chaque année jusqu’en 2017.
Quelques heures seulement après la conclusion de l’accord, des cohortes d’agents de nettoyage descendaient dans les rues armés de balais et s’affairaient à ramasser dans les plus brefs délais les tonnes d’ordures accumulées au cours des deux dernières semaines. Aujourd’hui, Madrid n’a jamais semblé aussi propre.