Interdiction de l’avortement : l’Église met la pression

Manifestation devant le ministère de la Justice. Les "pro-vie" traitent Gallardón de poule mouillée (gallina).

Manifestation devant le ministère de la Justice. Les « pro-vie » traitent Gallardón de poule mouillée (gallina).

L’été passé, le ministre de la Justice avait promis de réformer la loi sur l’avortement. Depuis, elle n’a toujours pas été votée. Les autorités catholiques espagnoles s’impatientent.

Annoncée il y a 9 mois par le ministre de la Justice Alberto Ruiz-Gallardón, la contre-réforme de la loi sur l’avortement tarde à voir le jour. Initialement prévue pour l’automne 2012, reportée ensuite à décembre de la même année, l’interdiction quasi totale de l’avortement devait finalement entrer en vigueur à partir de la Semaine Sainte 2013. Mais le vote de la loi n’a toujours pas eu lieu et les autorités religieuses commencent à s’impatienter.

Samedi 6 avril, un groupe de manifestants pro-vie s’était d’ailleurs rassemblé devant le ministère de la Justice. Brandissant des poules vivantes, ils demandaient à Gallardón de ne pas se comporter en poule mouillée et d’abroger l’actuelle loi sur l’avortement.

La réforme ? « Très bientôt »

Le cardinal Antonio María Rouco lors de la Conférence Épiscopale Espagnole

Le cardinal Antonio María Rouco lors de la Conférence Épiscopale Espagnole

Une dizaine de jours plus tard, c’était au tour du très influent cardinal de Madrid, Antonio María Rouco, de mettre en doute la promesse du ministre. Alors qu’au même instant, Mariano Rajoy était reçu par le nouveau pape au Vatican, Monseigneur Rouco en profitait pour mettre la pression sur le chef du gouvernement. En pleine séance de la Conférence Épiscopale Espagnole, il a ainsi déclaré : « Il est difficile de comprendre qu’il n’y ait toujours pas ne fut-ce qu’un avant-projet de loi qui permette une protection efficace du droit à la vie de ces êtres humains innocents.(…) Une réforme en profondeur de la législation en vigueur est urgente. »

Réclamant également l’annulation de la loi autorisant les personnes du même sexe à se marier, il a ajouté : « Il ne s’agit pas de priver qui que ce soit de ses droits, ni d’intervenir légalement dans des décisions intimes et personnelles. Il s’agit de rendre à tous les Espagnols le droit d’être expressément reconnus par la loi comme mari et femme. »

Plus tard dans la journée, le ministre de la Justice qui assistait à un forum organisé par le journal La Razon, a promis que la contre-réforme de la loi sur l’avortement devrait arriver « très bientôt ». Précisant que, non seulement, cette loi annulerait toutes les réformes mises en place par le précédent gouvernement dirigé par le socialiste Zapatero, mais, qu’en plus, elle n’autoriserait plus la pratique de l’IVG que dans deux cas, celui de viol et de danger pour la santé de la mère. Le ministre promettant également que les contrôles permettant de vérifier s’il y a un réel risque pour la vie de la mère seraient renforcés.

Rajoy : catholique mais pragmatique

Une telle mesure, que l’on pronostique désormais pour l’été 2013, serait un retour en arrière de presque 30 ans puisque la première loi sur l’avortement votée en 1985 permettait également l’interruption de grossesse en cas de malformation du fœtus. Une loi à laquelle même le très conservateur José María Aznar n’avait pas osé toucher lorsqu’il dirigeait le pays.

Mariano Rajoy offrant un maillot de la Roja au pape Francisco.

Mariano Rajoy offrant un maillot de la Roja au pape Francisco. Lors de leur entretien, le thème de « l’institution du mariage et de la famille » a été abordé.

Le journal El País nous apprend que, de son côté, Mariano Rajoy a toujours été très attentif aux réclamations de l’aile la plus catholique de son parti. Sous l’ère Zapatero, il avait ordonné aux figures de proue du Partido Popular d’aller défiler avec les évêques contre le mariage gay. Sans se rendre lui-même à la manifestation ! En effet, le leader conservateur a toujours cherché à montrer une image de modération. Pendant la campagne électorale qui l’a mené au pouvoir, il avait d’ailleurs soigneusement évité de se prononcer sur les questions du mariage pour tous et de l’avortement.

Pas de réforme du mariage gay

Car Rajoy, bien que très catholique, reste avant tout pragmatique. Il sait que la majorité des Espagnols est favorable au mariage gay, même au sein de son propre parti. Le ministre Gallardón lui-même a célébré des mariages entre personnes du même sexe lorsqu’il était maire de Madrid. Il y a donc peu de risques que cette loi soit modifiée.

Par contre, il sait aussi que l’électorat du PP serait plus enclin à accepter une réforme de la loi sur l’avortement. La tâche du gouvernement consiste à présent à trouver cet équilibre délicat qui, d’un côté, satisfera ses partisans et, de l’autre, ne le rendra pas encore plus impopulaire auprès du reste de la population.

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