Il est 6h 30 du matin, le mercredi 19 septembre, quand la police débarque en nombre au numéro 23 de la calle Santa Isabel. Nous sommes dans le quartier de Lavapiès, en plein centre de Madrid. Plus haut dans la rue, on trouve la Filmoteca. Un peu plus bas, le musée Reina Sofia qui abrite entre autres le Guernica de Picasso. Les policiers forcent l’entrée. Les lieux sont vides. Les voisins observent. Très vite, ils répandent la nouvelle via les réseaux sociaux et sortent les portables pour filmer l’intervention. Deux heures plus tard, ils sont quelques centaines à s’être rassemblés dans la rue et à crier “¡un desalojo, otra okupación!” Une expulsion, une autre occupation.
Car depuis que le propriétaire des lieux a été condamné pour corruption il y a deux ans et demi, l’immeuble est devenu un squat. Pas un squat servant de logement mais un squat culturel comme il en existe beaucoup à Madrid. C’est en avril 2010 que le centre social la Casablanca s’est installé dans ce grand édifice datant du XIXe siècle. Il propose une multitude d’activités ouvertes à tous. Des ateliers de photos, de danse, des ciné-clubs, une bibliothèque, un magasin gratuit ou encore un service de garderie. Les habitants du quartier sont attachés à cet endroit qu’ils fréquentent assidûment.
Jusqu’à présent, les autorités s’accommodaient très bien de la situation. Il y a un an, le propriétaire avait même tenté de récupérer son bien et avait été débouté par la justice. Aujourd’hui pourtant, les occupants ont été mis dehors du jour au lendemain. Sur leur compte Twitter, ils affirment n’avoir reçu aucun avis d’expulsion.
L’absence de procédure en amont leur donne l’impression d’une expulsion politique. En effet, la Casablanca abrite aussi toutes les archives du mouvement 15-M (en référence au 15 mai 2011, date du début de l’occupation de la Puerta del Sol par les indignés). Le centre accueille également beaucoup de réunions du mouvement, notamment celles destinées à organiser la mobilisation du 25-S (l’encerclement du Congrès prévu le 25 septembre 2012).
La police autorise finalement une dizaine de personnes à pénétrer les lieux. Pendant deux heures, ils emportent tout ce qu’ils peuvent à l’aide de caddies de supermarchés. Matériel d’atelier, quelques livres (200 sur les 10 000 ouvrages que contenaient la bibliothèque) mais surtout les disques durs contenant les précieuses archives (vidéos, compte-rendus, listings). Passé ce délais, les fourgonnettes de la guardia civil se chargent d’embarquer le reste.
Le soir, une mobilisation aura lieu plaza de Lavapiès en soutien à la Casablanca. Des centaines de personnes se réuniront derrière ce slogan : « ¡ Casablanca vive, la lucha sigue ! » – « Casablanca vit, la lutte continue ! »
Pour voir l’expulsion en images, un reportage de mdctv.com :